
Un dossier de cinq articles sur les travailleurs étrangers membres du Syndicat des Métallos par Clairandrée Cauchy. Pour lire les articles précédents : Ces travailleurs venus d’ailleurs; Enraciné à Lebel-sur-Quevillon; La barrière de la langue.
Un peu plus de deux ans après son arrivée comme soudeur chez Manac à Saint-Georges de Beauce, Marco Vinicio Ordoñez a frappé un mur. Alors qu’à son arrivée au Québec en 2012 il était tout excité en découvrant une nouvelle vie, son retour d’un voyage au Costa Rica en 2014 pour voir la famille a été difficile : il revenait au Québec pour y vivre pour de bon et l’excitation des débuts était passée. Il a fait une dépression.
« Quand tu reviens, tu sais que c’est pour rester. Au début, je ne connaissais pas, mais au retour, tu connais déjà tout, c’est plus dur », explique l’homme de 38 ans, qui s’implique aujourd’hui comme délégué social auprès de ses confrères et s’implique aussi au sein de l’exécutif de la section locale 9471 des Métallos. On retrouve dans l’usine de remorques environ 70 travailleurs latinoaméricains spécialisés.
Il s’est sorti de cette passe difficile et ne regrette aucunement sa décision d’émigrer pour de bon au Québec. « C’est l’argent qui m’a fait partir du Costa Rica, mais c’est la société québécoise qui m’a fait rester, le respect qu’on sent les uns envers les autres », explique le travailleur.
Aujourd’hui, le délégué social vient en aide à ses collègues costaricains ou encore nicaraguayens qui éprouvent eux aussi des difficultés. Dépression, alcool, stress, problèmes sexuels, le délégué social est surtout sollicité par ses collègues latinos aux prises avec des problèmes personnels. « Il y a plus de problèmes sociaux. La famille est souvent loin, restée au pays, et les problèmes sont là-bas. Les gens se retrouvent dans l’incapacité d’agir », explique le militant qui s’implique depuis 2018 au sein du syndicat, lorsque le président de la section locale l’a approché pour faire partie de l’exécutif.

Sa consoeur Melissa Montero, également déléguée sociale sur le quart de fin de semaine renchérit : « L’immigration, ce n’est pas pour tout le monde, il faut bien y penser avant de prendre une décision. Si tu es très attaché à ta famille, ce n’est pas pour toi. C’est dur être seul ici. En plus, avec la barrière de la langue c’est vraiment compliqué. »
La déléguée sociale profite du climat de travail plus tranquille de la fin de semaine pour faire la tournée de son monde. « Pour des latinos, c’est plus facile de se confier à une femme. Ils vont plus facilement pouvoir pleurer avec une femme qu’avec un autre homme », explique la travailleuse également âgée de 38 ans, qui vit ici depuis 2014 et vient d’entamer la procédure de résidence permanente.
Seule femme soudeure latina, Melissa est la deuxième femme soudeure dans l’usine, l’autre étant d’origine camerounaise. « Tout le monde ici me connaît. Et même dans la ville ! Ils passaient des annonces à la radio pour dire qu’une première femme du Costa Rica avait été embauchée ! »
Parmi les rares femmes dans un milieu d’hommes, Mélissa se sent mieux acceptée au Québec que dans son pays d’origine. « Au Costa Rica, mon salaire était toujours plus bas que celui d’un homme. Quand je disais que je fournissais le même travail, que j’avais la même formation, on me répondait que comme femme je n’avais pas autant besoin d’argent ! »
Prochain article du dossier : Apprivoiser le syndicat, s’y engager