Un plan syndical de relance économique
Le 23 mars 2020, le gouvernement du Québec ordonne la fermeture des entreprises dites « non essentielles », afin de contrôler la pandémie de la COVID-19. Du jour au lendemain, des milliers de travailleurs et de travailleuses se retrouvent sans emploi. D’autres poursuivent leur travail dans l’incertitude et la crainte constante d’être contaminés. La crise sanitaire engendre la suspension de près de 40 % de l’activité économique québécoise et braque les projecteurs sur plusieurs de ses défaillances et inégalités.

Un plan de relance économique audacieux
L’approche classique de la reprise économique met généralement l’accent sur la multiplication des travaux d’infrastructures et a tendance à laisser en plan plusieurs autres secteurs de l’économie. De plus, cela ne permet ni de relever les défis environnementaux ni d’assurer un développement bénéfique à tous et à toutes. Or, pour affronter la crise économique atypique que nous connaissons, il faudra faire preuve d’imagination !
C’est pourquoi la Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ), de concert avec la Confédération des syndicats nationaux (CSN), la Centrale des syndicats démocratiques (CSD) et la Centrale des syndicats du Québec (CSQ), a concocté et proposé au gouvernement un plan de relance économique. Ce plan propose de reconstruire en quatre chantiers une société plus résiliente, plus juste, plus solidaire et plus durable tout en gardant les Québécois et les Québécoises en sécurité et en santé !
Pour un véritable dialogue social
Les réflexions qui concernent l’avenir du Québec ne peuvent se faire en vase clos sans entraîner un important déficit démocratique.
Or, la FTQ a toujours fait la promotion de la concertation et d’un dialogue social ouvert et constructif. Considérant les impacts des crises sanitaire et économique sur l’emploi, ainsi que sur les travailleurs et les travailleuses, la participation des organisations syndicales devra faire partie intégrante des démarches associées à la relance économique, et ce, à l’échelle nationale, régionale et locale. C’est l’unique façon de bâtir une économie résiliente et durable.
Les finances publiques en temps de pandémie
L’arrêt volontaire de l’activité économique a plongé le Québec dans une grave récession. En juin 2020, le déficit du gouvernement du Québec s’élevait à 15 G$. Les outils dont le gouvernement dispose pour éponger le déficit causé par la crise seront rapidement limités. C’est pourquoi les organisations syndicales proposent notamment de suspendre le versement annuel au Fonds des générations et de réfléchir à une stratégie différente de gestion de la dette publique.
De plus, le Québec dispose de divers leviers pour traverser la crise, financer la relance économique et réinvestir dans les services publics et les programmes sociaux. À court terme, il est impératif de soutenir le réseau de la santé pour combattre la pandémie et de revoir et de bonifier les services et les soins aux personnes âgées. Pour la reprise économique, il faut investir dans les réseaux de l’éducation et de l’enseignement supérieur et soutenir les efforts de requalification de la main-d’œuvre. Pour plus d’équité, il faut soutenir les services de garde, les conditions de travail des différents personnels et lutter contre les inégalités de revenus. Enfin, pour faire face à la situation, il doit s’assurer une bonne marge budgétaire en s’assurant d’un maximum de revenu budgétaire.
Un Québec proactif en matière de politique industrielle
Actuellement, l’économie du Québec roule toujours au ralenti. Des secteurs importants comme l’aéronautique et le transport aérien, les services personnels, la restauration, l’hôtellerie, les arts et la culture, ainsi que le tourisme resteront en panne ou au ralenti pour plusieurs mois encore.
La capacité globale de production ne sortira pas indemne du ressac de l’activité économique. Plusieurs entreprises manufacturières, dont un grand nombre sont intégrées à une chaîne d’approvisionnement nord-américaine, ne s’en remettront pas de sitôt.
Pour relancer la machine, le gouvernement doit déployer une politique industrielle interventionniste, vigoureuse et stratégique. Selon la FTQ, celle-ci doit s’appuyer sur un programme de transition juste pour les travailleurs, les travailleuses et les communautés qui subiront les effets négatifs des transformations du tissu économique à venir. L’actuelle crise peut être une occasion de consolider le secteur manufacturier, voire de lancer de nouvelles filières ou structures de production, en un mot de réindustrialiser le Québec. Celui-ci pourrait augmenter son autonomie en produisant davantage de biens stratégiques et essentiels comme les fournitures médicales. Il pourrait réduire son empreinte environnementale et consolider les économies régionales en favorisant les circuits économiques courts ou en élaborant un cadre législatif « Achetons au Québec », une réglementation qui contraindrait les entreprises publiques à s’approvisionner au Québec et ainsi accroître la capacité de fabrication québécoise. Des instruments financiers stratégiques tels que le Fonds de solidarité FTQ, le Capital régional et coopératif Desjardins, la Caisse de dépôt et placement du Québec (CDPQ) ou Investissement Québec pourraient largement aider à soutenir des projets structurants, socialement rentables et durables dans le cadre d’une telle politique.
Enfin, cette politique industrielle devra mobiliser des capitaux publics dans la lutte contre les changements climatiques. Cela passera par le soutien à des secteurs porteurs, à des projets structurants visant la carboneutralité et à des entreprises innovantes qui utilisent des technologies propres tout en valorisant l’hydroélectricité du Québec.
Autonomie du Québec dans les secteurs stratégiques
La pandémie a mis en lumière la vulnérabilité de certaines chaînes d’approvisionnements de plusieurs secteurs stratégiques pour le Québec notamment dans le domaine de l’alimentation, des équipements médicaux et des médicaments. Pour les centrales syndicales, le gouvernement doit absolument miser sur l’autonomie et la diversification économique du Québec afin d’assurer des approvisionnements sûrs et stables et d’augmenter la résilience collective. Le plan de relance économique propose une série de mesures pour consolider la capacité de mettre en place les circuits courts essentiels à la sécurité alimentaire et à l’amélioration du bilan carbone de la filière, permettre au Québec de produire les fournitures médicales essentielles, le doter d’une capacité de produire des vaccins rapidement et en grande quantité.
Que nous réserve l’avenir ?
Depuis le printemps, le Québec est dans une période de déconfinement qui se déploie dans un contexte d’incertitudes. Une deuxième vague de contamination se dessine… Sera-t-elle plus grave que la première ? Donnera-t-elle lieu à un reconfinement ? Celui-ci sera-t-il partiel ou total ? Avec quels effets économiques supplémentaires ? Une chose est certaine : l’impact sans précédent de la pandémie sur l’activité économique nécessitera pour plusieurs mois encore des efforts importants de la part des gouvernements, mais aussi de tous les partenaires socioéconomiques pour s’assurer que les inégalités ne s’exacerbent pas. Pour la FTQ, l’action syndicale et citoyenne demeure donc essentielle à une sortie de crise porteuse de prospérité, d’équité et de solidarité.