Changements climatiques et COVID-19 : Un pas avant, un pas en arrière

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Au Québec, 43 % des gaz à effet de serre (GES) sont produits par le transport et 30 %, par l’activité industrielle. À eux seuls, ces deux secteurs sont responsables de près du trois quarts du réchauffement climatique. C’est également une situation observée mondialement. C’est pourquoi, lorsque la pandémie de la COVID-19 a éclaté, plusieurs se sont interrogés sur les impacts qu’aurait un confinement mondial sur les GES.

Dès mars, les grandes organisations de surveillance scientifique constataient une baisse importante des GES dans le monde, en commençant par les pays étant les plus impactés. Par exemple, la Chine enregistrait une baisse de GES de l’ordre de 25 % en seulement quatre semaines. Du jamais vu. Une situation également observée en Italie, épicentre européen de la COVID-19. Naturellement, l’absence de voitures sur les routes et l’arrêt de l’activité industrielle sont les principales raisons. Il était donc permis, à la veille d’une possible crise économique, de croire que cette situation contribuerait à une baisse radicale des GES. Ce fut d’ailleurs le cas avec la crise économique de 2008. Il est connu que les récessions ont un impact direct sur les GES. Cependant, plusieurs scientifiques déclaraient dès mars qu’une baisse durable des GES ne pourrait avoir lieu qu’avec un changement structurel de l’économie et qu’un retour à la normale accompagné de plans de sauvetage de l’industrie des hydrocarbures replongerait la planète dans une hausse significative des GES.

Un espoir de courte durée

Au mois d’avril, la planète enregistrait plus de 65 000 décès et la réduction des GES se poursuivait. En Europe, cette baisse était estimée à 24 %. Au Québec, il était désormais pensable que la cible de 20 % pour 2020, sous le seuil de 1990, était possiblement atteignable. Le transport au quasi-arrêt, notamment au niveau du transport aérien, démontrait une baisse de plus en plus significative des GES.

C’est en mai qu’apparaissent les premières statistiques mondiales. La planète avait réduit de 17 % ses GES. Au Canada, cette baisse était de l’ordre de 20 %, permettant l’atteinte des cibles établies par le gouvernement Trudeau. Cependant, c’est au printemps que les premiers signes face à l’utilisation du transport en commun commencent à se faire ressentir. Un sondage démontre que 25 % des usagers du transport en commun ne comptent plus prendre l’autobus ou le métro. On dénote la même tendance pour le covoiturage. Bref, l’utilisation accrue de la voiture solo se dessine rapidement. D’un autre côté, le télétravail démontre qu’il est possible de travailler sans avoir à se déplacer. Pour certains employeurs, travailleurs et travailleuses, cela pourrait devenir une nouvelle option ayant un impact positif sur les GES. Les débats sur la semaine de quatre jours reprennent également dans certains endroits.

Puis est arrivé juin et ses records de chaleur occasionnant des feux de forêt, des sécheresses, des inondations, mais surtout une hausse subite des GES. À certains endroits, on assiste à des températures nettement au-dessus des moyennes et les canicules se succèdent. La Sibérie enregistre une augmentation moyenne de 10°C et subit les effets du dégel du pergélisol qui libère une quantité importante de CO2. De plus, le transport reprend de plus belle un peu partout dans le monde avec le déconfinement.

Le gouvernement du Québec fait la sourde oreille aux propositions pour une relance verte, prospère et résiliente et espère à tout prix un retour à l’avant COVID- 19, malgré le fait qu’un sondage Léger démontre que 67 % des personnes au Québec désirent voir l’environnement, la justice sociale et l’amélioration de leur qualité de vie priorisés avant les salaires et l’économie.

De retour en mode échec

Septembre confirme l’échec de l’atteinte des cibles de réduction de GES. Malgré les spectaculaires baisses entre mars et juin, le taux de GES est revenu à ce qu’il était en 2019. Pour António Guterres, secrétaire général de l’ONU, l’heure est grave et des mesures exceptionnelles doivent être prises pour contenir le réchauffement climatique. Les groupes environnementaux craignent pour leur part un effet rebond de l’utilisation de l’énergie. Le redémarrage trop rapide du transport et de l’activité industrielle a eu pour effet d’accélérer de façon draconienne le taux de CO2 dans l’atmosphère, augmentant les GES. Pour les scientifiques, le constat est que la science seule n’arrivera pas à régler la situation sans un changement important des habitudes de vie. Le GIEC (Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) prévoyait une hausse de 1°C en 2025 des GES; or, nous en sommes déjà à 1,5°C.

Maintenant, malgré ce retour à la normale des GES, il n’en demeure pas moins que le monde du travail s’est transformé dans les derniers mois et que l’économie, si elle n’est pas résiliente, ne pourra que s’effondrer. Pour atteindre les cibles de l’Accord de Paris, il aurait fallu vivre exactement comme en temps de confinement, chaque année, depuis 2015. L’humanité est donc présentement à un carrefour : rattraper à tout prix le retard économique ou changer nos habitudes et notre économie. De son côté, la FTQ fait le pari que le second choix est le bon et qu’il est toujours temps de se mobiliser pour assurer aux générations futures un monde meilleur.