
Le type de lésion peut grandement influencer la reconnaissance du lien avec le travail par la CNESST et l’acceptation d’une demande d’indemnisation. En 2019, 18,1 % des personnes qui ont fait une demande à la CNESST se sont vu refuser leur dossier. Alors que les accidents sont plus facilement reconnus, les maladies, quant à elles, sont beaucoup plus difficiles à faire accepter.
Pour les maladies d’ordre psychologique, autres que le trouble du stress post-traumatique, la reconnaissance est pratiquement inexistante : seulement 4 % des demandes pour une maladie psychologique due à un stress chronique en 2015 ont été acceptées. Pour les cancers, les données sont aussi accablantes. L’IRSST estime, à partir des données de 2005 et 2007, qu’il y aurait environ 1800 à 3000 personnes diagnostiquées avec des cancers liés au travail annuellement alors que la CNESST en reconnait moins d’une centaine par année.
Il faut aussi prendre en considération que le refus de la CNESST n’est que la pointe de l’iceberg. Beaucoup de travailleurs et de travailleuses ne font pas de réclamation à la CNESST. La sous-déclaration est particulièrement présente chez les femmes, les personnes racisées, les jeunes et les personnes immigrantes. La précarité, la stigmatisation et la difficulté de faire reconnaitre une maladie professionnelle sont autant de facteurs qui incitent la sous-déclaration.
Les cancers et les troubles musculo-squelettiques sont particulièrement révélateurs de cette problématique. En2011, le rapport sur l’EQCOTESST notait que, parmi les 238 000 personnes salariées qui se sont absentées du travail en raison d’une douleur musculo-squelettique à au moins une région corporelle perçue comme étant liée partiellement ou complètement à leur emploi principal, 13,3 % ont fait une demande d’indemnisation à la CSST, soit près de 32 000 personnes.
Donc, pour un nombre important de personnes, la CNESST n’est pas la solution pour obtenir une indemnisation ou un revenu à la suite d’une lésion professionnelle. Les assurances privées sont largement utilisées pour pallier la CNESST et pour les personnes qui n’y ont pas accès, c’est l’assurance-emploi qui offrira un soutien financier. Après l’assurance-emploi, c’est malheureusement l’aide sociale ou la famille qui subvient aux besoins de la personne.
Avec les modifications prévues dans le projet de loi no 59, la reconnaissance des maladies professionnelles va devenir encore plus difficile. L’analyse de l’impact réglementaire prévoit que la Commission pourrait économiser 158 millions par année avec les nouvelles mesures limitant l’accès au régime d’indemnisation et de réadaptation. C’est ainsi des milliers de personnes qui viendront s’ajouter à celles qui n’ont d’autre choix que de vivre aux crochets de la société à la suite d’une lésion professionnelle. C’est inacceptable, et contraire à ce que devrait être une modernisation du régime de santé et de sécurité. Le gouvernement doit s’assurer que c’est l’inverse qui se produit : que la totalité des personnes ayant subi une lésion professionnelle ait accès à l’indemnisation et à la réadaptation afin de continuer d’avoir une vie active et significative pour elle et la société. Les logiques comptables ont plus d’une fois démontré leur limite et l’impact négatif sur la vie des personnes. Il est temps de passer à une réelle couverture pour tous et toutes.