De la prévention à la judiciarisation, une dérive mise en lumière par l’IRIS

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Le mode de financement actuel du régime de la SST au Québec mène à une judiciarisation du système, selon un rapport de recherche de l’IRIS publié le 5 mars dernier.
L’Institut de recherche et d’informations socio-économique (IRIS) publiait le 5 mars dernier, un rapport de recherche qui remet en cause le mode de financement du régime de la santé et de la sécurité du travail au Québec. Alors que ce régime avait été construit afin de favoriser la prévention des lésions professionnelles, les nombreuses modifications apportées par la CNESST au cours des trente dernières années ont fait en sorte d’encourager les employeurs à contester les réclamations plutôt que d’investir en prévention.
Depuis le rapport du juge Meredith dans les années trente, le financement du régime d’indemnisation des lésions professionnelles repose sur un système de responsabilité collective, les entreprises étant mutuellement responsables du financement. Ceci est vrai jusqu’au début de l’années quatre-vingt-dix au moment où une série de réformes administrative à la CNESST a transformé cet état de fait. L’étude met en lumière la gestion active des dossiers par les employeurs qui ont un régime plus personnalisé, et l’incidence à la hausse des contestations, et cela au détriment de la prévention, qui est le principe à la base de la LATMP.
. Par exemple, le pourcentage des contestations par les employeurs à la Direction de la révision administrative (DRA) est passé de moins de 40% en 1990 à plus de 60% en 2018. Il en va de même avec les demandes d’évaluation médicales au Bureau d’évaluation médicale (BEM) et le nombre de dossiers ouverts au Tribunal administratif du travail (TAT), qui le sont en 2018 pour la très grande majorité par les employeurs. Dans tous les cas, ils remarquent une accentuation importante des contestations à chaque nouvelle mesure administrative à la CNESST.
(Insérez le graphique ici)
Les conséquences de cette judiciarisation sont bien visibles. Les délais d’attente aux différents lieux de contestation ne cessent d’augmenter, les coûts en expertises pour les travailleurs et travailleuses entravent leur capacité à bien faire reconnaitre leur lésion, etc. De plus, la réclamation d’une lésion professionnelle est devenue plus ardu pour les travailleurs à cause de la gestion active des dossiers qui contribue « à la réintroduction d’une logique d’affrontement médico-légal à l’intérieur du système « sans égard à la faute » ». Cela a pour conséquence d’orienter les personnes vers les services publics et les assureurs privés à défaut de pouvoir simplement réclamer à la CNESST. Par ailleurs, les petites entreprises subissent également les contrecoups de la démutualisation du régime, puisque ce sont eux qui voient la prime de base augmenter plus rapidement suite à la désimputation massive des grandes entreprises et des entreprises associées à une mutuelle de prévention.

Face à ce troublant constat, l’IRIS formulent quatre recommandations :
1) L’abolition du Bureau d’évaluation médicale.
2) La réforme du système de contestation (notamment l’abolition de la DRA).
3) La mise en place de Bureaux de conseillers des travailleurs et des employeurs à l’instar d’autres provinces canadiennes.
4) La mise en place d’une Commission d’enquête sur le financement personnalisé à la CNESST, sur son lien avec la prévention en matière de SST et sur la tarification en fonction des efforts de prévention.
La FTQ demande déjà depuis des années que le BEM et la DRA soit aboli, et qu’il y ait une profonde réflexion sur le mode de financement actuel qui ne permet pas de favoriser la prévention. Par conséquent, la FTQ salue le travail de l’IRIS et demande au ministre du travail, M. Boulet, d’en tenir compte lors de la modernisation du régime de santé et de sécurité du Québec,

La version complète du rapport est disponible au https://iris-recherche.qc.ca/publications/cnesst2020