Pourquoi le projet de loi no59 me met en danger

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Cette lettre a été publiée en premier dans la Tribune le 16 février 2021

Je suis un travailleur depuis 26 ans dans une industrie de transformation de caoutchouc d’environ 125 travailleurs dans la région de Sherbrooke et fier syndiqué Métallos. Le projet de loi 59 va réduire la prévention dans mon usine, qui est considérée comme un secteur prioritaire au niveau de la CNESST. 

À l’usine, il y a un comité de santé et sécurité, formé de représentants des travailleurs. Les représentants à la prévention ont au total 10 heures par semaine pour identifier les risques et éliminer les dangers potentiels afin d’éviter les accidents, pouvant aller d’une simple blessure à un accident fatal. Ce comité améliore grandement les choses, même si ce n’est pas toujours facile et qu’il faut insister auprès de l’employeur, en s’appuyant sur les lois et les règlements de la santé sécurité au travail.  

Or, avec le projet de loi no 59, ce comité perd son pouvoir. On perd un levier important. Ce dernier n’aurait plus son mot à dire sur le programme de prévention, sur le choix du médecin responsable de la santé dans l’entreprise. L’employeur ne sera même plus tenu de fournir la liste des contaminants auxquels nous sommes exposés… ce que je trouve déplorable, car dans notre usine de transformation de caoutchouc, nous travaillons constamment avec des produits chimiques qui peuvent être néfastes pour notre santé. Pire, le nombre d’heures dont dispose le représentant à la prévention pour agir sera considérablement réduit. Bref, moins de prévention pour nos travailleurs plus de risques d’accidents du travail et beaucoup plus de passe-droit pour l’employeur.

Avec le nouveau projet de loi, l’application des mécanismes de prévention de la Loi sur la santé et la sécurité du travail variera d’un établissement à l’autre selon le niveau de risque attribué à chacun des secteurs d’activité économiques, en fonction des coûts en indemnisation. Alors je suis convaincu que les employeurs vont tout faire pour ne pas se retrouver dans un secteur à risque élevé, en encourageant les travailleurs à ne pas déclarer les accidents. 

Dans un secteur manufacturier comme le nôtre, avec l’exposition aux produits chimiques et au bruit, ça va devenir de plus en plus compliqué pour les travailleurs de faire une demande d’indemnisation et qu’une lésion soit reconnue. 

Ce projet de loi va nous faire perdre tous nos droits chèrement gagnés pour protéger notre santé et notre sécurité depuis les 40 dernières années : moins de temps pour la prévention, reconnaissance plus difficile des maladies professionnelles, droit au retrait préventif plus compliqué et j’en passe. 

C’est une bataille qu’on doit livrer à ce gouvernement afin de se faire respecter. Qu’on soit syndiqué ou pas, ce projet de loi touche toutes les classes de la société. Il faut que les députés de l’Assemblée nationale nous écoutent lorsque nous les interpellerons. Ils doivent réaliser l’ampleur de ce projet de loi qui va nuire aux travailleurs et non seulement des brides que le ministre Boulet veut bien donner.

Marc Frechette

Travailleur dans une usine de caoutchouc et fier syndiqué Métallos