2021, l’année de tous les vaccins ?

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Collaboration spéciale de Sébastien Campana, secrétaire-archiviste au SCFP-3783. Sébastien travaille chez GSK, une firme biopharmaceutique qui conçoit actuellement des composantes pour vaccins en attente d’approbation.

« Nous sommes profondément préoccupés à la fois par les niveaux alarmants de propagation et de gravité et par les niveaux alarmants d’inaction. Nous avons donc estimé que la COVID-19 peut être qualifiée de pandémie. »

Le 11 mars 2020, le mot est lâché : pandémie. Le directeur général de l’Organisation mondiale de la santé (OMS), Tedros Adhanom Ghebreyesus, laisse tomber la bombe en conférence de presse à Genève au siège de l’OMS.

De cette annonce s’ensuivront des mesures sanitaires au niveau international et des décisions politiques qui auront des conséquences immenses sur tous les aspects de nos vies. Parallèlement aux mesures sanitaires engagées, une course sans précédent est lancée par les différents laboratoires biopharmaceutiques afin de trouver au plus vite un vaccin qui pourrait enrayer la catastrophe mondiale.

Très vite identifié comme un coronavirus, ce « virus à couronne », nommé SARS-CoV-2, est le propagateur de la maladie à coronavirus (COronaVIrusDisease2019) et entre dans la catégorie des virus à ARN.

Les coronavirus constituent une famille de virus (Coronaviridae) dont certains peuvent infecter les humains, causant la plupart du temps des rhumes avec des symptômes plus ou moins importants. Ce sont des virus à ARN enveloppés.

Seuls sept coronavirus sont connus pour provoquer des maladies chez l’homme. Parmi les sept coronavirus qui peuvent nous infecter, quat re sont familièrement identifiés comme des rhumes et provoquent la plupart du temps des symptômes bénins.

Il faut savoir qu’avant le SARS-CoV-2, deux épidémies mortelles de coronavirus ont fait peur au monde entier. Ces deux épidémies causées également par des coronavirus émergents ont soudainement sauté la barrière animale vers l’homme. Ils se nommaient le SRAS-CoV (connu sous le nom de SRAS) et le MERS-CoV (nCOV pour Novel Coronavirus).

Ces trois coronavirus émergents causant des infections respiratoires sévères sont des agents pathogènes zoonotiques. C’est-à-dire qu’ils entament leur travail d’agent infectieux chez l’animal (ex. : chauve-souris, rat, dromadaire, canard, oiseau, etc.) et se transmettent par la suite à l’homme.

Pour barrer la route au SRAS-CoV-2, de multiples essais de traitement ont été tentés, mais jusqu’à présent, ces traitements se sont soldés par des échecs.

La solution : un vaccin

En 1796, un médecin anglais, Edward Jenner, constate qu’une maladie bénigne des vaches, la vaccine, ressemblant à la variole immunisait les fermières qui effectuaient la traite des vaches lors de la grande épidémie de variole. Il décide alors d’infecter délibérément un enfant au nom de James Phipps de la maladie de la vaccine et lui inocule ensuite la maladie de la variole. Résultat : l’enfant ne développe pas la maladie. La vaccination était née.

Louis Pasteur élargit la vaccination aux animaux avec la bactérie du choléra des poules et la bactérie du charbon des ovins et des bovins. En découvrant le vaccin contre la rage (humaine/animale), Pasteur utilise un virus détruit (mort). Cette découverte accélère l’évolution de la vaccination.

La course à la recherche d’un vaccin contre la COVID-19 démarre dès janvier 2020, même si la pandémie fût déclarée en mars. Les recherches sont facilitées et accélérées grâce aux recherches vaccinales antécédentes, notamment sur les coronavirus émergents tels que le SRAS-CoV et le MERS-CoV. Une collaboration internationale entre chercheurs du monde entier, des investissements financiers, de nouvelles technologies de recherche et de fabrication ont permis aux chercheurs et aux laboratoires de se positionner très rapidement.

Au 14 décembre 2020, 273 vaccins étaient en développement (58 en phase de test) selon le décompte de la London School of Hygiene and Tropical Medicine.

Au Canada, deux vaccins ont déjà été autorisés par Santé Canada : celui de Pfizer-BioNTech le 9 décembre et celui de Moderna le 23 décembre.

Mais tous les vaccins diffèrent du fait de leurs technologies : vaccins ARNm, vaccins à vecteur viral, vaccins inactivés, vaccins vivants atténués, vaccins sous-unitaires et recombinants, vaccins ADN, etc.

Le principe de base de la vaccination demeure le même : inoculer une substance étrangère qui provoque une réaction immunitaire, sans l’infecter avec la maladie ciblée. La vaccination force donc le système immunitaire à fabriquer des anticorps spécifiques qui vont cibler un micro-organisme précis afin de l’éliminer.

L’antigène (la substance étrangère qui fait réagir le système immunitaire) chez le SARS-CoV-2, c’est le pic en forme de massue qui recouvre sa surface, lui conférant une allure de couronne. C’est ce qu’on appelle le spicule ou la protéine de surface Spike (Spike Protein en anglais).

Cet antigène est comme un trousseau de clefs. Il permet au virus de pénétrer dans les cellules. Une fois à l’intérieur de la cellule, le virus va utiliser le mécanisme de celle-ci pour se reproduire. La cellule infectée devient alors une usine à fabriquer des clones du virus.

Les technologies vaccinales en constante évolution :

  • Les vaccins contenant les virus causant la maladie spécifique sont un type de vaccin qu’on peut qualifier de première génération. Ils peuvent contenir un virus vivant ou mort. Ensuite, il y a les vaccins à virus atténués. Très simplement, on injecte à la personne un virus atténué. Ce virus, bien qu’atténué, est tout de même « vivant », mais n’a plus de pouvoir pathogène. Les vaccins contre la tuberculose (BCG), la fièvre jaune, la varicelle ou encore contre la combinaison rougeole-oreillons-rubéole (ROR) sont basés sur ce principe.
  • Suivent ensuite les vaccins inactivés. Ces vaccins contiennent des agents infectieux morts. Complètement inoffensifs, ils demeurent capables de susciter tout de même une réponse du système immunitaire. Le virus ayant perdu de sa capacité à se répliquer dans l’organisme va entrainer tout de même une réponse immunologique.

Les vaccins contre la grippe, la poliomyélite, la rage et l’hépatite A reposent sur ce principe.

Les vaccins à anatoxines sont utilisés lorsqu’il est impossible d’utiliser le micro-organisme en entier en raison d’effets secondaires importants. Les vaccins à base d’anatoxine sont composés d’une toxine (un poison en quelque sorte) de laquelle on a enlevé son action toxique en la rendant inoffensive, mais qui va susciter une réponse immunitaire. Ces toxines sont produites par certaines bactéries comme le tétanos ou la diphtérie.

Des nouvelles technologies de vaccins

La naissance des vaccins recombinant s est en quelque sorte une amélioration des recherches en immunologie et en biologie cellulaire et moléculaire.

  • Au lieu d’introduire des micro-organismes entiers (inactivés ou atténués), un vaccin sous-unitaire contient seulement un fragment de l’agent pathogène. Ces vaccins contiennent uniquement des fragments du virus, mais qui vont quand même induire une réponse immunitaire.

Les vaccins à vecteurs viraux répliquant et non-répliquant contiennent aussi des virus, mais contrairement aux autres vaccins à virus, ceux qui sont utilisés ne sont pas ceux qui provoquent la maladie contre laquelle on veut se protéger.

On utilise donc d’autres virus, modifiés, devenant inoffensifs pour l’homme, et on les utilise pour acheminer les informations contenant l’identité du virus que l’on veut anéantir au système immunitaire. Un éventail assez large de virus utilisés comme transporteur est désormais disponible.

La différence entre répliquant et non-répliquant est que ceux qui utilisent des vecteurs viraux non-répliquant, une fois entré dans la cellule, ne fabriqueront que l’antigène choisi et non des copies d’eux-mêmes.

Ce procédé à vecteur viral a déjà fait ses preuves lors de l’épidémie d’Ebola au Congo.

Pour ce qui est du SRAS-CoV-2, la compagnie AstraZeneca utilise ce type de procédé, en utilisant un adénovirus modifié, provenant du chimpanzé.

AstraZeneca a dévoilé le 8 décembre 2020 des données préliminaires faisant état d’une efficacité du vaccin à 70 % en moyenne. Ce vaccin possède deux avantages : il peut être conservé entre 2° et 8° Celsius, une seule dose est nécessaire

La toute dernière technologie concerne les vaccins à matériel génétique. C’est la technologie la plus innovante de toutes, mais qui suscite également des débats. Ces vaccins version 2.0 ne contiennent aucun virus identifié, seul le matériel génétique du virus est amené à être traduit (décodé). Par un processus très technique, le code génétique du virus (ARN dans le cas du SARS-CoV-2) est injecté et amené vers les cellules humaines afin de leur faire synthétiser la recette pour que le système immunitaire reconnaisse le virus.

Depuis bientôt une trentaine d’années, de nouvelles approches en termes de recherche sur les vaccins se sont développées à une vitesse phénoménale. Parmi eux, le vaccin à ADN. En résumé, on injecte dans le corps du patient un plasmide (un petit fragment d’ADN) par voie intramusculaire ou transcutanée. Première étape, le morceau d’ADN injecté pénètre dans la cellule et atteint le noyau cellulaire. Une fois à l’intérieur, il y est transcrit et l’ARN correspondant est traduit en protéine. C’est de cette protéine, qui est « étrangère », que va se déclencher une réponse immunitaire. Déjà utilisé sur les animaux, ce processus vaccinal n’a jamais été testé encore sur l’humain.

Si beaucoup de travaux ont fait avancer les recherches et que de premiers résultats de tests prometteurs sur les animaux se sont montrés encourageants, ce processus suscite encore beaucoup de débats au sein même de la communauté scientifique, qui voudrait recueillir plus d’informations et avoir plus de données concernant la manière dont les vaccins ADN peuvent affecter le système immunitaire.

Depuis l’homologation des vaccins de Pfizer-BioNTech et de Moderna, on entend parler des vaccins à ARNm tous les jours. Les vaccins ARNm sont différents des vaccins à ADN.

Les caractéristiques immunogènes (capacité à provoquer une réaction immunitaire) des ARN n’ont été découvertes que dans les années 1990. Cette technique fut éprouvée pour la première fois avec des essais cliniques concernant le cancer en 2002.

Jusqu’à la récente homologation des vaccins de Pfizer et de Moderna, il n’y avait aucun vaccin à ARN messager (ou ARNm) qui avait été homologué et commercialisé pour un vaccin à visée humaine. Actuellement, ce processus continue de faire l’objet de nombreuses recherches.

Comme les vaccins à ADN, c’est un processus plus complexe que les vaccins de première génération.

En bref, les vaccins de première génération consistaient à injecter un antigène à la personne vac cinée, et une fois repéré, le système immunitaire déclenchait le mécanisme de défense, afin de neutraliser l’envahisseur. 

Ici, le processus consiste à administrer non pas un antigène inactivé, mort ou encore atténué, mais d’injecter des parties de l’ARN (matériel génétique) du virus. Dans ce cas-ci, on isole la partie de l’ARN de la protéine Spike (qui est l’antigène du virus SRAS-CoV-2) et on l’insère dans une nanoparticule lipidique, qui sera par la suite injectée lors de l’opération vaccinale. Ces ARN ne proviennent pas du virus, ils sont totalement synthétiques. Une fois entré dans les cellules humaines, l’ARNm va utiliser la machinerie cellulaire pour fabriquer des protéines Spike, qui seront excrétées hors de la cellule. Une fois à l’extérieur de la cellule, les protéines Spike, seules, sans virus et donc inoffensives, activeront le mécanisme de défense immunitaire et les anticorps vont apprendre à reconnaître l’antigène du virus SARS-CoV-2, mais sans lui. La personne vaccinée, se retrouvant devant une éventuelle infection du SRAS-CoV-2, aura donc développé les « armes » acquises lors de la vaccination pour se défendre contre le virus et ainsi le détruire.

Beaucoup de choses ont été et sont dites encore sur les vaccins à ARNm, car c’est la première fois que ce processus vaccinal est appliqué à l’être humain. Il est normal qu’il y ait des craintes, car c’est tout à fait nouveau. Mais un vaccin avant d’être homologué passe à travers de multiples étapes de vérifications très strictes.

Cette technologie est fascinante et révolutionnaire en ce qui concerne les vaccins et beaucoup de choses sont encore à découvrir.