
En juin dernier, Statistique Canada rapportait que les femmes (62 %) étaient plus susceptibles que les hommes (38 %) d’occuper des emplois pouvant être exercés à domicile.
L’une des explications fournies est que les emplois à prédominance masculine, par exemple dans le secteur de la construction ou encore de l’agriculture, ne sont généralement pas compatibles avec le télétravail. Il est donc logique de croire que parmi les Québécois et les Québécoises qui effectuent actuellement du télétravail, on retrouve une proportion plus importante de femmes. La question qui se pose alors est : le télétravail est-il favorable ou défavorable à une meilleure conciliation travail-vie personnelle ?
Un avantage pour la conciliation ?
Nombreuses sont les personnes qui voient plusieurs avantages au télétravail en matière de conciliation travail-vie personnelle. La souplesse des horaires, le sentiment d’une plus grande efficacité rapporté par plusieurs sondages et l’importante économie de temps effectuée par les travailleurs et les travailleuses, en raison de l’absence de déplacement entre la maison et le bureau. Ces avantages sont indéniables. Un sondage Léger réalisé à la fin du mois de mars 2020 pour le compte de l’Association pour la santé publique du Québec (ASPQ) révélait d’ailleurs que 85 % des répondantes appréciaient le télétravail. Ce chiffre chute à 77 % pour les femmes dont la langue maternelle n’est pas le français et grimpe à 92 % chez les femmes ayant un tout petit âgé de 0 et 5 ans. Toutefois, le télétravail peut aussi comporter des désavantages particuliers pour les femmes. Nous savons que les femmes consacrent, encore aujourd’hui, plus de 50 % plus de temps que les hommes aux tâches domestiques. Dans ce contexte, le brouillage des frontières entre la vie privée et la vie professionnelle qui peut accompagner le télétravail pourrait mener à une exacerbation de la double tâche déjà effectuée par les femmes (travail domestique gratuit et travail rémunéré).
Comme les femmes sont encore souvent considérées comme responsables de la famille lorsqu’elles sont présentes à la maison, le travail effectué du domicile pourrait augmenter les responsabilités de celles-ci. Le même sondage de l’ASPQ évoque cette réalité, alors qu’environ trois femmes sur quatre rapportaient être les principales responsables de l’épicerie et de la gestion des repas (76 %) ainsi que des autres tâches ménagères (73 %) depuis le début de la pandémie.
Un sondage qui remet les pendules à l’heure
Un sondage Léger effectué en mai auprès des parents et des proches aidants québécois révélait que 34 % des travailleurs et des travailleuses trouvent plus difficile de concilier travail et famille dans le contexte pandémique comparativement au contexte qui prévalait avant la crise. Chez les femmes, la proportion s’élève à 38 %. Il est à noter qu’un lien entre la santé psychologique et la conciliation travail-vie personnelle a été démontré, notamment par l’Institut national de santé publique du Québec qui rappelait en 2019 qu’un équilibre entre les sphères personnelles et professionnelles était primordial pour la santé mentale des femmes.
Parmi les femmes, celles ayant des enfants ont été particulièrement éprouvées par la pandémie. Un sondage SOM réalisé en juin dernier révélait que la conciliation des responsabilités familiales et professionnelles apparaît plus difficile pour les mères (41 % contre 34 % pour les pères). On y révélait que les mères perçoivent plus d’iniquité dans le partage des tâches reliées aux enfants que les pères et que moins de mères que de pères considèrent que le partage des tâches leur laisse du temps pour soi. Ainsi, le temps qui a été récupéré pour plusieurs en raison du télétravail et du confinement, principalement le temps de déplacement, n’est pas destiné à du temps pour soi et de bien-être pour les mères. C’est donc plutôt un accroissement du temps alloué aux tâches domestiques et aux enfants que vivent plusieurs femmes avec le télétravail.
De meilleures données sont nécessaires pour mieux évaluer les impacts du télét ravail sur les femmes dans leur diversité de situations et de conditions. Or, il est probable que la porosité entre vie personnelle et vie professionnelle associée au télétravail affecte disproportionnellement les femmes qui verront leur charge de travail totale augmenter par rapport à celles des hommes. Cela étant, il est important que l’on se demande collectivement si les défis ne concernent pas davantage la répartition du travail domestique plutôt que le télétravail en soi. Poser la question, c’est un peu y répondre.