Par Laurence Fortier du Centre international de solidarité ouvrière (CISO)

Partout dans le monde, la crise sanitaire mondiale de la COVID-19 a exacerbé des inégalités sociales déjà bien ancrées, en particulier pour les personnes racisées, immigrantes et des femmes.
Les travailleuses domestiques embauchées dans le contexte du Programme fédéral des aides familiaux (PAF) n’y font pas exception. Depuis le début de la pandémie, ces travailleuses, en majorité des femmes migrantes, se sont retrouvées dans une situation particulièrement vulnérable et avec une situation d’emploi extrêmement précaire.
Selon un rapport du Migrant Rights Network, une travailleuse sur trois au Canada a perdu son emploi et de celles qui l’ont conservé, une sur deux a dénoncé une charge de travail significativement augmentée et le non-paiement de ses heures supplémentaires.
La vulnérabilité des travailleuses domestiques en période de COVID-19 peut être expliquée en partie par les conditions liées à leur permis de travail, octroyé par le gouvernement fédéral.
Le caractère nominatif de ce permis lie les travailleuses à un employeur unique, ce qui signifie qu’en cas de perte d’emploi ou de congédiement, elles se retrouvent sans statut, sans permis de travail et n’ont donc plus accès à l’assurance maladie provinciale et ont souvent des difficultés à accéder à l’assurance-emploi.
L’accès aux protections de base
Un autre facteur contribuant à la précarité des travailleuses domestiques pendant la COVID-19 est leur accès limité aux protections de la CNESST. En effet, elles ne sont pas incluses dans la définition de « travailleur » de la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles (LATMP) et n’ont donc pas accès à ces protections à moins de cotiser elles-mêmes à la CNESST en tant que travailleuses autonomes, ce qui est assez rare considérant que plusieurs ne maîtrisent pas assez la langue et ne sont pas conscientes de leurs droits au Québec.
Malgré un avis de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse (CDPDJ) jugeant ces dispositions discriminatoires, celles-ci persistent toujours. Le fait que les travailleuses domestiques fassent partie des seules catégories de travailleurs à ne pas être protégées est inacceptable. Si elles se font renvoyer parce qu’elles sont malades ou accidentées, elles n’ont pas accès aux indemnités normalement octroyées et l’employeur n’a pas l’obligation de les réintégrer au travail. En période de crise sanitaire publique, la problématique devient encore plus alarmante.
En octobre 2020, le ministre du Travail, de l’Emploi et de la Solidarité sociale, Jean Boulet, présentait le projet de loi no 59 qui prétend moderniser le régime de santé et de sécurité au travail. Plusieurs groupes de défense des droits des travailleuses domestiques avaient bon espoir que ce dernier retire complètement les articles discriminatoires à leur endroit. Cependant, bien que les modifications suggérées incluent les travailleuses domestiques sous la définition de « travailleur », elles doivent selon ce projet de loi compléter un nombre d’heures spécifiques sur une période déterminée pour avoir accès aux protections prévues par la LATMP, ce qui n’est le cas pour aucun autre groupe de travailleurs et maintient donc une importante discrimination à leur égard.
Le Centre international de solidarité ouvrière (CISO) a déposé un mémoire en commission parlementaire. Ce mémoire fut rédigé en collaboration avec l’UTTAM et l’ADDPD. Il est essentiel que le gouvernement effectue plusieurs modifications au projet de loi afin de corriger l’injustice et de mieux protéger ces travailleuses vulnérables.