Opinion -Covid-19, Femmes et travail

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Photo Rafael Ben-Ari

Lettre d’opinion des membres du Comité de condition féminine de la FTQ

« Détresse », « insécurité », « essoufflement » et « peur » sont des mots qui résument bien le mal‑être vécu par plusieurs femmes qui travaillent dans différents secteurs d’emploi depuis les derniers mois. La pandémie a frappé durement les travailleuses québécoises et cela n’est pas le fruit du hasard. Que ce soit sous l’angle de la conciliation travail-vie personnelle, de la santé et de la sécurité ou de l’économie, la COVID-19 a exacerbé plusieurs inégalités basées sur le genre.

Conciliation travail-vie personnelle

Pour plusieurs, le confinement vécu au printemps dernier a été synonyme de casse‑tête en matière de conciliation travail‑vie personnelle. Dans nos réseaux, nous avons constaté une importante augmentation du travail invisible de femmes faisant de la proche aidance. Par exemple, plusieurs employeurs ont considéré le télétravail comme étant déjà une mesure de conciliation sans autre possibilité d’aménagement de l’horaire et des tâches.

Ajoutons à cela l’école à la maison, le nombre réduit de places en garderie, la coupure avec les réseaux d’entraide comme la famille et les ami-e-s, les soins ralentis et parfois absents pour les enfants en bas âges, pour les personnes âgées et celles vivant avec un handicap. Plusieurs de ces responsabilités et soins ont été ajoutés sur le dos de travailleuses déjà à bout de souffle. Dans une société où l’équité salariale n’est pas atteinte, où la majorité des postes à temps partiel et des postes au salaire minimum sont occupés par des femmes, ces dernières seront plus nombreuses à mettre leur carrière sur pause.

Santé et sécurité                                        

Durant la pandémie, la santé et la sécurité de plusieurs travailleuses ont été mises à mal. Des éducatrices en milieu de garde d’urgence nous disaient ne pas avoir eu droit à des équipements de protection personnelle dès le début de la crise sanitaire. Même situation dans les résidences privées et dans les hôpitaux. Sans parler de la charge de travail et du stress qui se sont intensifiés à la suite de la pandémie.

Autre fait troublant à l’heure du déconfinement, l’augmentation de 15 % des appels à la ligne SOS violence conjugale depuis les derniers mois fait craindre des retours au travail difficiles pour plusieurs travailleuses. Encore trop peu d’employeurs mettent en place des mesures pour accompagner et protéger leurs employées et employés qui sont victimes de violence conjugale. Quoi faire pour agir ? Un pas dans la bonne direction serait d’introduire dans la Loi sur la santé et la sécurité du travail (LSST), qui est justement sur le point d’être modernisée, une obligation de prévention de la violence, incluant la violence conjugale, pour les employeurs.  

Reconnaissance du travail

Depuis longtemps, nous luttons syndicalement pour obtenir une meilleure reconnaissance du travail des femmes. Nous nous sommes battues contre l’austérité économique qui a frappé de plein fouet le réseau de la santé et de l’éducation. Nous avons mis sur pied des campagnes pour avoir l’équité salariale et pour obtenir un salaire minimum décent. Nous souhaitons maintenant que la COVID‑19 provoque une prise de conscience collective sur l’importance du travail des femmes. En première ligne, ce sont les éducatrices en garderie, les caissières, les préposées aux bénéficiaires, les infirmières, qui ont pris de gros risques pour l’ensemble de la société. Il ne faudrait pas que, au nom de la relance économique, nous soyons frappés par une amnésie collective qui nous fasse oublier les anges gardiennes. En octroyant des primes COVID‑19, on a reconnu implicitement que les salaires étaient trop bas. Il ne faudrait pas que la rémunération redevienne famélique une fois que le pire de la crise sera derrière nous.

Une société égalitaire, vraiment ?

Notre espoir de justice rejette un modèle de société qui place les femmes comme citoyennes de seconde zone. Sans parler des femmes autochtones, racisées et handicapées qui sont disproportionnellement désavantagées sur le marché du travail. Si la crise sanitaire est révélatrice d’où nous voulons aller, nous voulons qu’elle surtout mette en lumière notre ras-le-bol face à un système qui perpétue les inégalités de genre.