
Compte rendu de la conférence la professeure de relations industrielles Geneviève Baril-Gingras à l’assemblée annuelle des Métallos.
Lorsqu’elle parle de l’application des mécanismes de prévention en milieu de travail – ou plutôt de l’absence d’application – la professeure de relations industrielles Geneviève Baril-Gingras ne mâche pas ses mots.
« C’est comme si on avait accepté que ça faisait partie du travail, que ça venait avec », résume la professeure de relations industrielles à l’Université à Laval.
Il y a 2,6 fois plus d’accidents de travail et de maladies professionnelles que d’accidents de la route et 2,5 fois plus de gens tués au travail que de victimes d’homicide. Pourtant, on n’en entend presque pas parler. La spécialiste estime que les gouvernements successifs se sont cachés derrière l’absence de consensus patronal-syndical pour ne rien faire depuis 40 ans.
Novatrice à la fin des années 1970, la législation québécoise en matière de santé et sécurité du travail est maintenant en retard sur les législations du reste du Canada et des pays industrialisés.
Si, en théorie, tous les employeurs ont une obligation de prévention, les 4 mécanismes (soit le comité de santé et sécurité, le représentant à la prévention, le programme de prévention et le programme de santé), qui devaient faire en sorte de concrétiser la prévention au quotidien, ne sont en vigueur que pour une petite partie des milieux de travail et ne protègent que 11,6 % des travailleurs québécois.
Les mécanismes de prévention ont été pleinement implantés « seulement dans les deux premiers groupes, rendu au troisième ça s’est arrêté. Comme par hasard, c’est là qu’on retrouve le secteur de l’administration publique, le gouvernement-employeur », déplore la professeure Baril-Gingras.
Tous les prétextes y sont passés pour retarder l’implantation des mécanismes de prévention à l’ensemble des milieux de travail. « La principale raison, c’est l’absence de volonté politique. Tous les partis qui se sont succédés depuis 40 ans ont pris le paritarisme comme excuse. Comme il n’y avait pas d’entente entre les associations patronales et les associations syndicales, chacun des gouvernements s’est assis et a attendu que les parties s’entendent. Mais le rôle d’un gouvernement, après tout, c’est de dire par où on s’en va », s’indigne-t-elle.
Chaque fois que les syndicats recommençaient à revendiquer en prévention, on a vu un marchandage malsain, où les employeurs demandaient en échange des concessions en réparation, qui est régi par la Loi sur les accidents du travail et les maladies professionnelles. « Est-ce que c’est correct de négocier ça de cette manière-là? Non ! Moi, je pense qu’il y a là un problème d’éthique », lance Geneviève Baril-Gingras, soulignant qu’on assiste à une recrudescence des réclamations depuis 2015. Et encore, les données sont probablement même sous-estimées, entre autres, en raison de la hausse de dossiers refusés et de contestations de dossiers par les employeurs.
Plutôt que de faire ce qu’on pourrait attendre de lui, le gouvernement s’est enlisé dans la « déréglementation et la régulation par le marché ». « On a rendu les choses plus compliquées pour les travailleurs qui ont à faire des réclamations, tellement que plusieurs préfèrent ne pas déclarer leur lésion et choisissent plutôt d’utiliser leur assurance salaire, prendre congé ou quitter leur emploi », dénonce-t-elle.
Pourtant, les études ont démontré la pertinence des mécanismes de prévention pour réduire les risques à la source et diminuer le nombre de lésions professionnelles. Parmi ces mécanismes, elle pointe plus particulièrement vers la présence du représentant à la prévention. « C’est un stimulant pour l’activité des comités de santé et sécurité. Il y a plus d’activités, d’inspections, d’enquêtes, d’identification des risques et de recommandations faites par ces comités. Même les employeurs sont plus satisfaits de l’action de leur comité santé-sécurité lorsqu’il y a un représentant à la prévention, parce qu’il y a des résultats. »
S’ajoute au chapitre des éléments qui étaient à l’origine novateurs, le programme « Pour une maternité sans danger » pour les travailleuses sous juridiction québécoise et le droit de refuser un travail dangereux. Des éléments à protéger et peut-être même à bonifier dans la future réforme du régime de santé et de sécurité du travail dont on attend le dépôt en 2020.
Isabelle Bournival, Syndicat des Métallos