Sylvain Maltais, président de la section locale 9490 des Métallos, représentant les travailleurs et travailleuses de l’aluminerie d’Alma.

Je vais me rappeler toute ma vie du 30 avril 2013. Une amie, une collègue, la mère d’une petite fille de 9 ans, perdait la vie dans mon usine. Il y avait un silence de mort quand je suis rentré dans l’usine, ce matin-là.
À l’époque, il y avait des publicités-chocs de la CSST sur des accidents de travail. On pense toujours que ce genre d’accident est pour les autres. Mais ce jour-là, c’était pour nous. Des accidents mortels, il y en a eu deux depuis que je travaille dans l’aluminium… et beaucoup plus de « ouf », des fois où c’est « passé proche ».
Dans le secteur industriel, la santé et la sécurité, c’est concret. C’est la vie de nos confrères et consoeurs, la nôtre. C’est moi qui fais des acouphènes et qui souffre de surdité à 50 ans. C’est des plus vieux qui ont des maladies pulmonaires obstructives chroniques (MPOC) à cause de l’exposition aux gaz toxiques, ou des cancers de la vessie.
Depuis des années, on pousse pour améliorer les façons de faire, réduire le bruit des machines, avoir de meilleurs équipements de protection. On le fait au sein d’un comité de santé et sécurité, formé moitié représentants de l’employeur et moitié travailleurs, où on identifie les risques et on cherche des manières de les éliminer. On réussit à améliorer les choses, même si ce n’est pas toujours facile et qu’il faut insister souvent auprès de l’employeur.
Or, avec le projet de loi no 59, ce comité perd ses dents. On perd un levier important. Ce dernier n’aurait plus son mot à dire sur le programme de prévention, sur le choix du médecin chargé de la santé. L’employeur ne sera même plus tenu de fournir la liste des contaminants auxquels nous sommes exposés. Pire, le nombre d’heures minimal dont dispose le représentant à la prévention pourrait être réduit. Bref, moins de prévention et plus de marge de manœuvre à l’employeur.
Ce même projet de loi permettrait à un employeur de diluer le rôle du comité et du représentant à la prévention en n’en ayant qu’un seul pour tous ses établissements. C’est complètement illogique, la force de la prévention, c’est que c’est collé sur la réalité de notre usine, avec un représentant à la prévention qui connaît ses collègues.
Il y a aussi des conséquences dramatiques pour les travailleurs accidentés à cette réforme. La loi permettrait à un agent de la CNESST de te retourner à l’ouvrage avant que ton médecin donne le feu vert. Imaginez, actuellement, quand on appelle à la CNESST, on tombe sur le premier agent disponible, peu importe la région. On tombe sur des agents qui n’ont aucune idée de ce que c’est une aluminerie. On va se retrouver avec du monde hypothéqué au travail.
On demande à tous les députés de la région de questionner un peu plus le projet de loi. Ce n’est dans l’intérêt de qui que ce soit de baisser la garde en santé et sécurité dans le secteur industriel.
Quand il y a moins d’exigence en prévention, un certain laxisme s’installe. C’est un passeport pour avoir plus d’accidents. Plus d’accidents, à un moment donné, ça peut vouloir dire un silence de mort dans une usine.